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Traduit de l'article Structured Procrastination de John Perry
Photo de John Perry pratiquant la corde à sauter au milieu en compagnie des algues, pendant que le travail prend du retard
Anyone can do any amount of work, provided it isn't the work he is supposed to be doing at that moment." -- Robert Benchley, in Chips off the Old Benchley, 1949
Cela fait des mois que je voulais écrire cet essai.
Pourquoi est-ce aujourd'hui que je réussis à le faire ?
Parce que j'ai fini par trouver du temps libre ?
Absolument pas
Je dois corriger des copies d'étudiants, commander des manuels, recommander une proposition de recherche à la National Science Foundation, relire des brouillons de dissertation.
J'écris cet essai pour éviter de devoir faire tout cela
Tel est l'essence d'une pratique que j'appelle la procrastination structurée.
La procrastination structurée est une stratégie modeste et géniale que j'ai découverte ; elle permet de transformer des procrastinateurs en des être humains efficaces, respectés et admirés pour leur gestion du temps et leur productivité.
Les procrastinateurs remettent à plus tard ce qu'ils devraient faire. La procrastination structurée est une prise de judo qui permet de faire fonctionner ce trait de caractère à votre avantage.
L'idée essentielle est que procrastiner ne veut absolument pas dire ne rien faire.
Il est rare que les procrastinateurs ne fassent vraiment rien. En réalité ils font des choses marginalement utiles telles que s'occuper du jardin, tailler leurs crayons, dessiner un diagramme décrivant comment ils vont réorganiser leurs fichiers, le jour où ils en auront le temps.
Pourquoi les procrastinateurs sont-ils aussi actifs ?
Parce que cela leur permet d'éviter d'avoir à faire quelque-chose de plus important
Si la tâche la plus importante à un moment donné était de s'occuper du jardin et de tailler leurs crayons, aucune force au monde ne serait assez puissante pour les forcer à les accomplir.
La contrepartie de cela c'est qu'un procrastinateur même endurci est capable d'effectuer des tâches difficiles et importantes dans des délais serrés à condition qu'il se place dans les bonnes conditions.
C'est à dire si accomplir ces tâches l'aide à éviter de faire quelque-chose d'encore plus important.
Les tâches-repoussoir
La stratégie consiste à structurer sa liste des tâches à faire en exploitant cette faille. Les tâches à réaliser sont à réaliser par importance et urgence. Les tâches les plus importantes et urgentes se retrouvent en haut de la liste. Elles serviront de repoussoir utile pour nous permettre d'accomplir les tâches situées certes un peu plus bas, mais qui n'en sont pas moins utiles. Le procrastinateur peut ainsi devenir un citoyen honnête, et même acquérir, comme cela m'est arrivé, la réputation d'être productif.
Un exemple parfait : ma femme et moi étions chargés de recherche à Soto House, une résidence universitaire de Standford. Le soir, fuyant les évaluations d'articles scientifiques, les cours à préparer et autres travaux de comité, j'allais près du dortoir jouer au ping pong avec les étudiants, leur parler de choses ou d'autres dans leurs chambres. Ou simplement m'asseoir et lire le journal. J'acquis ainsi une réputation d'être un chargé de recherche épatant, et l'un des rares profs à passer du temps avec les étudiants, et à faire l'effort d'apprendre à les connaitre. Le plan parfait : jouer au ping pong pour éviter des tâches plus hardues et acquérir une réputation à la Mr. Chips!
Les procrastinateurs prennent souvent la mauvaise voie. Ils essayent de minimiser le nombre de leurs engagements, imaginant que si ils n'avaient qu'un petit nombre de choses à faire, ils arrêteraient de procrastiner et se mettraient au travail.
Rien n'est plus faux. En faisant cela, ils nient au contraire la nature même de la procrastination, et détruisent leur source principale de motivation. Ces quelques tâches sur leur liste presque vide, ce sont justement par définition les tâches les plus importantes à effectuer. Et il n'y a alors plus d'autre manière de les éviter que de ne rien faire du tout.
L'impasse.
Si vous me suivez jusqu'ici, vous vous demandez probablement :
Que faire des tâches les les plus importantes en haut de la liste, celles qu'on ne fait jamais ?
Reconnaissons-le, c'est là un sérieux problème potentiel.
L'astuce est de bien choisir ce qu'on met en haut de la liste
Les tâches idéales à mettre en haut de liste ont deux caractéristiques :
- elles ont apparemment des deadlines précises (mais en réalité non)
- elles semblent terriblement importantes (mais il n'en est rien)
Par chance, la vie nous procure ce type de tâches idéales en abondance. Je dirais même que dans les université, la vaste majorité des tâches rentrent dans cette catégorie ; et je suis sûr qu'il en est de même pour la plupart des gens.
À titre d'exemple, l'item tout en haut de ma liste en ce moment est de terminer un essai sur la philosophie des langues. Sa deadline supposée était il y a 11 mois. J'ai été tellement productif pendant tout ce temps passé à travailler sur autre chose ! Hélas les bonnes choses ont une fin, et il y a deux mois, rongé par la culpabilité, j'écrivais une lettre à mon éditeur pour m'excuser du retard, l'assurer de mes bonnes intentions, à commencer par celle de m'y mettre. Initialement l'idée était d'écrire cette lettre plutôt que l'essai lui même. L'éditeur me rassura. En réalité, je n'étais pas spécialement plus en retard que les autres.
Et quelle importance réelle cet essai au final ? Pas important au point que ne finisse par arriver une tâche qui semble encore plus importante.
Et ce jour là je travaillerais sur mon essai.
Un autre exemple est les tâches administratives. J'écris cet essai au mois de juin, et d'ici octobre je vais assurer un cours d'épistomologie. Les bons de commandes des livres pour les étudiants auraient déjà du être envoyés. Il est facile de s'imaginer que c'est une tâche importante avec une deadline serrée (c'est à dire plus d'une semaine ou deux après la deadline, je précise au cas où des non-procrastinateurs me liraient). Je reçois tous les jours des notifications du secrétariat du département, et le bon de commande est en plein au milieu de mon bureau. Cette tâche est en haut de ma liste ; elle me gêne, et me motive à réaliser d'autres tâches utiles, mais en apparence moins importantes. En réalité, les librairies sont déjà à capacité maximale, avec les commandes réalisées par les non-procrastinateurs. Je pourrais passer ma commande, disons le 1er aout, et ça sera OK. Je m'assurerai de choisir des livres populaires et de les commander à des éditeurs efficaces. D'ici là on m'aura bien sollicité pour d'autres engagements apparemment plus importants, et ma psyché se sentira comfortable à remplir des bons de commandes.
De l'auto-aveuglement
Le lecteur astucieux aura sans doute remarqué qu'un certain degré d'auto-aveuglement est nécessaire pour faire marcher le système de procrastination structurée. On semble en permanence construire un schéma pyramidal autour de soi-même.
Et bien c'est exactement cela. Il s'agit d'être capable de reconnaitre et d'accepter des tâches avec des deadlines irréalistes et une importance surestimée, et en même temps, parvenir à ressentir qu'elles sont importantes et urgentes.
Cette contradiction apparente n'est en rien un problème : tous les procrastinateurs dignes de ce nom ont d'excellentes capacité d'auto-aveuglement
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